sun bleached flies.

5 am — Le réveil sonna.
Un peu trop brut, un peu trop fort, accompagné d'une lumière d'argent qui engloutissait la chambre nuptiale. Par mégarde, Jordie se laissait fondre encore un peu dans les draps, avec toujours au fond de la caboche, la réalité qui s'empressait de toquer. Another day, another day, I'll wake up straight away and make a smoothie. Pour le moment, son corps semblait être fait de mousse, dont les petits bouts se faisaient goulument avaler par le sommeil. Alors le second réveil sonnait, pour lui rappeler, qu'en vain, l'heure des congés n'était pas encore arrivée. Ses pieds se glissèrent dans des chaussons, ses bras s'enroulèrent d'une robe de chambre. Dents brossées, cheveux roughly attachés, le visage se laissait dénudé, et les escaliers de leur vieille maison tentaient de ne pas craqueler sous son poids.
Les mains s'attelaient automatiquement aux tâches matinales : tout d'abord, elles venaient récupérer les bouteilles de lait déposées par le fermier à qui elle louait le grand terrain familial. Fraîches contre ses doigts, elles se termineraient d'ici la fin de la journée mais pour le moment, une se faufilait dans le réfrigérateur tandis que l'autre venait adoucir le café que Jordie s'était fait couler. Ses yeux ruisselèrent jusqu'à l'horloge, la lumière dorée de l'ampoule envahissant les murs boisés et le carrelage blanc. Il lui restait une quinzaine de minutes avant qu'Hazel se réveille. Alors, elle déplia son journal et trouva les mots croisés du jour que ses méninges entamèrent sans trop tarder.
Le goût âpre du café languissant sur sa langue, les lettres défilaient, au crayon à papier, lentement, des petits bouts de gomme parsemant la table ronde. La tasse se vida, et Jordan replia le journal, le déposant sur la commode près de la porte d'entré alors que ses jambes la guidaient déjà vers l'étage.
Toc. Toc.
Le silence.
Toc. Toc. Toc.
Sa silhouette se glissa dans son ancienne chambre, celle partagée avec Ada et maintenant occupée par sa fille. "Come on Hazelnut, big girls don't cry, now do they?" Parce que l'enfant n'était pas matinale, probablement que des gènes paresseux s'étaient glissés dans son adn...des morceaux peu clairs de sa mère dans ses veines. Ensemble, elles choisirent tout de même la tenue du jour et Jordan la laissa s'habiller tout en filant en faire de même.
It was that simple.
Yet, so fast.

Un verre de jus d'orange à moitié entamé délaissé sur le bois de la même table ronde, quelques miettes de pain se mêlant à celles de gomme. Les rires d'un dessin-animé pendant encore dans les airs...Ca n'était qu'un simple matin, chassant les premiers rayons du soleil, elles roulaient sur la terre humide.
Hazel choisit les musiques à écouter le long du trajet.


trigger warnings:  mention cadavre, suicide, meurtre
6:30 am — L'odeur des pancakes et du bacon l'enveloppait entièrement. L'aisance des parfums qu'elle connaissait, jusqu'à la dernière veine de son coeur. Le sourire qui graissait allègrement ses lèvres, lorsque la figure de sa mère, Donna, sautillait derrière le comptoir du diner. Il avait été acheté par ses parents avant que les soeurs naissent, avec, pour maigre ambition, de nourrir tout le compté dans la bonne humeur et des produits de bonne qualité (ceux de leur terrain, parce que daddy était un fermier d'exception)(elle aurait du être un garçon pour reprendre le business). "Where's my little Hazelnut?" demanda-t-elle, ses cheveux bruns enroulés dans un chignon élégant. Mama ne savait faire autrement que paraitre. C'était son rôle de serveuse : sourire et soigner son apparence. Même après qu'ils aient retrouvé le corps d'Ada, même après le coup de feu entendu dans la grange du terrain. La paume d'Hazel quitta celle de sa mère, pour retrouver les épaules étoilées de Jackson - le beau-père de Jordie. "I'll be quick today.", une phrase qui semblait tourner en boucle depuis cinq ans. Et elle s'assit au comptoir, laissant l'enfant sur les genoux de celui qu'elle nommait "son" - ce qui parsemait toutes les conversations de fous rires de la part des adultes. Le rituel se maintenait tous les matins : une seconde tasse de café chaud que Donna servait de la cafetière en verre à tous les clients, cream-cheese bagel pour sa fille tandis qu'elle prenait des oeufs brouillés et écoutait sa mère se plaindre de son poids. Ses yeux bruns roulaient vers Hazel, un rictus partagé. La gamine ne finissait jamais son assiette, alors Jackson, rempli de bonne volonté (et d'un estomac qui n'en finissait pas de s'étendre) l'aidait, des miettes s'accrochant à sa moustache poivre-sel. Il demandait comment allait son deadbeat ex-guy, la voix de policier grondant dans le poitrail, et Jordan n'avait jamais le temps de couvrir les oreilles de sa fille avant qu'il ne finisse la question. "Good-for-nothing, please." corrigeait-elle, la gorge encore écorchée par le feu de son café. Les épaules se haussaient...il n'y avait que très peu de nouvelles, sous le soleil.
La sonnette tinta, depuis la cuisine, rappelant Donna à sa tâche, avec la même tonalité que la sonnette de son vélo. Celui qu'on lui avait offert à ses quatorze ans pour rouler jusqu'au lycée, Ada, quant à elle, roulant ses joints à l'arrière ("come on jordie! don't be a chicken! get your hands off the wheel!"). La lueur dorée des matins saupoudrant leurs cheveux, le bruit des roues contre l'humidité du goudron, la brise emportant les fumées des lèvres de sa soeur. Le klaxon d'une voiture et les hués des garçons à l'intérieur...les branches des arbres venant caresser le haut de leur crâne et la musique qu'Ada laissait couler de son téléphone.
Ils avaient retrouver ce même vélo, violet et blanc, rongé par le malheur et l'eau. Abandonné au fond d'un lac, à quelques lieux du corps.
Jordie était habituée aux nausées...alors elle continuait à mastiquer, des doigts venant parfois bredouiller avec les mèches blondes de sa fille.
"I'll go now, okay." un baiser déposé sur la joue ronde d'Hazel, confiée à Jackson pour le trajet jusqu'à l'école. "Something you want to say to her today, mama?" Donna fit glisser une assiette vers un client, avant de secouer la tête. "Tell her we saw her favorite movie yesterday, didn't we Jackson?" "Sure did." "It was good, wasn't it?" "Sure was." "And to papa?" la sonnette retentit de nouveau, laissant le bruit s'allonger dans le temps. "Just tell him I don't miss his snoring."
Après les drames, Mama ne souriait plus tellement...la douceur avait trouvé son vinaigre dans les mots qu'elle échangeait avec Jordie. Les cigarettes jonchaient les tables, les tasses, incrustées de tâches brunes, formaient d'extraordinaires piles dans l'évier. Elle n'avait retrouvé la vie que lorsqu'elle maria Jackson...quelques années plus tard. Elle ne retrouva sa tendresse maternelle que lorsque sa fille se pointa le ventre rond et rempli d'une promesse.
Il fallait croire que certaines personnes n'étaient pas faites pour vivre seules.


trigger warnings:  meurtre, armes à feu, suicide, slutshaming
6:50 am — ses pieds la menèrent devant les tombes d'Ada Hazel Mason et Isaiah Duke Mason, le bouquet fut coupé en deux et offert à chacun des défunts. Jordie récita une rapide prière, puis reprit la route.
Elle se souvenait du cri de sa mère lorsqu'on avait annoncé avoir retrouvé Ada. La manière dont ses mains s'étaient agrippées aux bras de son père et son visage, crispé et déformé, cherchait refuge dans le creux de son cou. Les posters avaient été collés un peu partout dans le compté, une photo que Jordie avait prise de sa soeur pour seul phare dans le déluge. "oh that poor sweet girl, she was fantastic" qu'on disait partout, "we'll find her alive, god wouldn't let anything happen to such a beautiful girl", une enfant de dix-sept ans désintégrée dans l'atmosphère, sans trace. Un fantôme qui venait pointer le bout de son nez dans les craquements de porte, les chuchotements de couloirs du lycée, la minute de silence qui avait été levée en son honneur. Jordie se souvenait surtout de s'être demandée pourquoi Ada n'avait pas pris la peine de mourir plus près de la maison, alors que la voiture de police les emmenaient si loin, loin de leur terrain. Vers les forêts et les ombres. Puis, finalement, elle avait noté qu'elle était surement mauvaise de réfléchir de la sorte et que, peut-être, qu'Ada aurait préféré rendre son dernier souffle, le visage tourné vers la fenêtre de leur chambre, au sommet de leur maison blanche - comme toujours allumée d'une couleur orangée, parce que Jordie n'arrivait pas à dormir sans, à son grand âge.
"she was so beautiful, so young...what a shame"
"ada was truly such a joy to be around, always laughing"
"such a talented young girl...what kind of monster could do such a thing."
Mais Jordan n'avait pas su quoi dire à la veillée, alors que tant de personnes semblaient soudainement avoir tellement de choses à partager. (weird, some of the boys used to call her a sl*t)
Le père avait insisté pour apprendre à sa fille restante l'art des armes à feu.
La police était revenue plusieurs fois par la suite. Puis laissa la terre humide, refroidir jusqu'au dossier. Et ainsi, Donna perdit également Isaiah, d'un coup de feu dans la grange, une nuit d'hiver...parce que la rouille finissait toujours par s'étendre, parce que le froid s'infiltrait jusqu'au coeur des désignés.
La lumière orangée de la chambre resta allumée pendant des années...et les journaux finirent par se lasser des malheurs de la maisonnée.


7:30 am — La voix de Fergie trainait dans la voiture, se mélangeant aux vrombissements du moteur. Le soleil se levait pleinement à présent - suivant l'effervescence des demoiselles, il avait leur langueur, trainant entre des nuages et la douceur de l'horizon. La vitre baissée et le coude appuyé, ses iris reflétaient la lumière rouge du feu. Elle baissa la visière, le bourdonnement de sa propre voix suivant la mélodie jouée. And I'm gonna miss you like a child misses their blanket, des personnes âgées suivaient leur propre rituel matinal : des ballades dans l'air frais, des visites aux différents diners ouverts. But I've got to get a move on with my life, tous ces adultes accrochés à leur téléphone, la tête pendante derrière la vitre en attendant que le feu passe au vert. It's time to be a big girl now, Jordie salua de la main Jacqueline, une retraitée qu'elle retrouvera plus tard dans la journée.
And big girls don't cry.

Sortant son matériel de la caisse, ses godasses prenaient déjà position dans le manège. Elle monta les escaliers de la maison de Mr Cooper, son ancien professeur d'histoire (qui par ailleurs, lui avait filé un D pour des raisons que Jordie avait jugé - et juge toujours - comme absurdes)(careful man, I'm the one with the needle this time.).
- "Miss Mason!" qu'il s'esclaffa dans une ruée de toux, tentant de se lever de son fauteuil tâché d'usure et de temps.
- "Mr Cooper," son nez se fronça, suivant la même impulsion que ses sourcils, "I see my last warning really put you off this time." la pièce, aux sous-tons carmins et jaunes, transpirait le parfum mordant du tabac froid.
Le vieux ne pu s'empêcher de ricaner, les joues grises et le regard trébuchant contre ces dernières.
- "What can I say? Can a man not enjoy his last moments on earth?"
Depuis le revêt de la blouse blanche, Jordie accompagnait les figures de son compté vers l'extinction: une prise de sang à la fois, un bilan global et une paume trouvant celle déjà froide de ses patients. La plupart du temps, son travail consistait à passer quelques heures avec des cerveaux embrouillés et des sourires aisés, le poids du monde ayant roulé de leurs épaules. Parfois, on l'appelait pour des petits bobos sur de jeunes bouilles, mais la jeunesse avait vu une ouverture - un jour, une route de goudron et le soleil à l'horizon, alors ne restaient que les parents, que les grands-parents, les oubliés et ceux, qui avaient raté le coche.
La fuite des cerveaux, qu'ils disaient tous...elle se demandait parfois, pourquoi le sien n'avait pas eu le même instinct - fight or flight, il décida de s'arrêter net, un jour de printemps quelque-part dans les bois, puis une nouvelle fois, dans la grange à l'odeur de bois. Lucky Ada, never missing a beat - elle s'était bien enfuie, elle, bien loin. Lorsque, enfants, elles avaient cassé le vase de Mama, ce fut Ada qui avait filé dans la chambre la première en entendant les pas grondants de la matriarche. Quand elles firent le mur et allèrent à la soirée de Brooke, c'était elle qui était rentrée avant l'aube et les vrombissements du tracteur de Papa.
Mais lorsqu'Ada poussait Jordie à plonger dans la rivière les premiers jours du printemps, elle le faisait en entrelaçant ses doigts aux siens, le rire tintant contre tous les grands sapins du val.
- "Ah...I love that necklace of yours." dit-il alors que la brune prenait son pouls, le pendentif en forme de coeur s'évadant de sa poitrine. "Reminds me of my own little girl. She's married now, you know? Ashley Cooper is a Briggs, now." Jordie le savait, cela faisait un moment qu'Ash était mariée dans les terres du Washington. "Jesus how time flies..." le souffle resta posé sur le bord des lèvres avant de s'évader vers la fenêtre que l'infirmière avait pris le temps d'entrouvrir. "How old is yours anyways now?"
- "Still five, Mr Cooper."
Les mêmes discussions, chaque semaine alors que le cancer et l'amnésie rongeaient petit à petit sa chair et ses nerfs. Ca ne la dérangeait pas, Jordie, elle n'avait que très peu de sujets de conversations de toute manière.
- "Ah five...My wife would've loved your little one...god bless her soul."


12:10 pm — "I'll be quick today, Bobby." lança-t-elle en poussant la porte du café.
Il y en avait deux "safe places" dans son coeur : celle de sa mère, et celle de Bobby, ancien camarade de classe qui était tombé dans les pommes en cours de biologie lors d'une dissection. Elle retrouvait ce dernier tous les midis, avec le même sentiment urgent de courir derrière les minutes. Une serviette sur l'épaule, sa chemise rentrée dans le pantalon, il fit glisser une assiette (un sandwich sub) et une tasse de café (avec une lichette de lait entier) sur la table rouge lorsqu'elle s'assit à son booth habituel.
- "As usual, sweetheart."
- "Damn, you do make me feel like a woman." son sourire s'agrandit, "Why couldn't you be my man?"
Il roula des yeux et retrouva le comptoir, ses souliers trainant contre le carrelage. Bobby ne parlait pas beaucoup et pas à tout le monde. Il avait des airs d'ours et un caractère de cochon, mais ça ne dérangeait la brune pour rien au monde. Ses doigts connaissaient la douleur des ronces, et ses genoux, la brutalité de l'asphalte.
Jordie murmura une petite prière avant de croquer dans son sandwich et de déplier le journal.
- "Three words in today, Jackie, within fifteen minutes this morning. Can you believe?"
- "Ha-ha! Five." la voix émanait du booth contre son dos.
- "You have all the time in the world and you only got five?"
Jacqueline perdait doucement sa mémoire. Il y a quelques années, l'infirmière lui avait proposé de réaliser des mots-croisés, espérant secrètement faire reculer les flots du Léthé.
Elles échangèrent le même journal, sans même se regarder. Un crayon à papier emprunté à une serveuse rousse, Jordie compléta les cases, une par une, avec ses propres trouvailles, tandis que Jackie en faisait de même de son côté.
Les femmes se repassèrent leur propre journal à la fin de l'heure avec quelques lettres trouvées en plus, la poitrine gonflée de fierté, et la brune fila de nouveau vers d'autres clients, un pourboire de dix dollars abandonné derrière elle.


03:00 pm — Hazel, aux boucles d'or, sortit de l'école son gros cartable formant une carapace contre son dos. Jackson passera le restant de l'après-midi avec elle, un vieux shérif comme lui n'ayant droit qu'aux douceurs et aux paperasses. Hazel retrouvait la lumière des attentions de tous les policiers du commissariat.


trigger warnings:  armes à feu
07:00 pm — "It's a quarter after one I'm a little drunk and I need you now" les paroles flottaient hors de son gosier, sa voiture accompagnant ses concerts improvisés. Jordan roulait. Le volant soutenant ses poignets tandis que sa tête reposait contre le siège, les yeux flottant encore à peine sur la route. Les mêmes billboards, les mêmes affiches (derrière un lampadaire demeurait le visage de sa soeur. Seulement les contours restaient, les couleurs, elles, s'étaient épuisées.), les mêmes coins de rue, les mêmes faces et les éternels rayons du soleil qu'elle ne cessait de suivre. Elle ne brillait que dans leurs touchers - les baisers dorés s'épanouissant sur ses lèvres alors que sa visière n'avait toujours pas bougé de position. And I said I wouldn't call, But I'm a little drunk and I need you now, le ciel se pourprait au loin, des étincelles de mauve subsistant au-dessus de son toit. Bientôt la nuit viendrait la chercher, elle et l'enfant dans ses bras.
Après la mort de son père, Jordie avait trouvé la force d'éteindre la lumière. Puisque les véritables monstres restaient invisibles, le noir ne troublait plus ses plaies enfantines. Puis, quelque-part dans le placard du couloir, reposait un fusil à pompe, une paille encore coincée dans les mécanismes. Morbid legacy.

Elle arrêta la voiture, une place de parking étant toujours réservée pour elle. Elle inspira, coupa le moteur et s'éclipsa au diner.
Sa mère bourdonnait toujours autour des différents booths tandis que Jackson discutait avec une Hazel affamée. "Hazel bageeeel!" les doigts de Jordie s'aventurèrent dans les mèches de sa fille, tandis que d'autres piquaient des petits bouts de son bagel, "How was your day, sweetheart?", elle embrassa sa joue. Ils discutèrent tous les trois pendant une demi-heure, parfois joint par Donna qui parsemait ses commentaires de sa voix fluette et quasi-commerciale.

Enfin, les deux filles Mason rentrèrent chez elles. Jordan fit couler un bain dans lequel elles trempèrent toutes deux, se racontant chacune leur journée puis leur nuit et les bonnes résolutions auxquelles elles se tiendront le temps d'un rire.


08:30 pm — "I've asked you three times now to clean your room, Hazel." Les nerfs tapaient contre son crâne, un tambourinement à la fois suivant le rugissement de son coeur. Les joues pourpres et le ton grave, elle n'aimait pas invoquer les tonnerres - rarement, utilisait-elle la totalité de son autorité, par simple paresse et peur de voir les fleurs se casser sous le vent. L'enfant tapait du pied, refusant, le front froncé, d'user de ses mains pour déroger le chaos de sa chambre. Le matin-même, Jordie avait failli trébucher sur une de ses peluches - nombreuses, thanks to the grandparents, and that terrible father of hers. "I don't wanna do it!" répliquait-elle, avec toute l'audace de l'innocence. ("That's my dress, Jordie." "No that's mine!" "You little bitch! How many times have I told you not to touch my things!")
Il fallut une heure entière pour négocier le retour à l'ordre, les prises d'otage n'étant surement pas aussi compliquées que ceci. ("So I should call Santa, then?" it will only work for so long, "I don't care!" "I'm sorry, am I raising a bad girl?" "No! I'll tell 'Son you're being a bad mom!" "Oh great! so I'm raising a snitch, that's better! Nobody likes snitches, Hazel.")
Et lorsque la gamine fut sous les draps, un baiser mouillé lambinant encore sur son front, Jordan se sentit plus brave qu'un soldat rentrant de mission.
Une bataille gagnée. Ses yeux s'attardèrent sur un jouet perdu sous le lit, attendant de faire un guets-apens sur l'orteil de la mère. La guerre continuera, donc.


10:19 pm — Le journal reposait sur la table boisée. L'accalmie s'allongeait contre les champs dehors, laissant la place qu'aux gazouillis des insectes et le tambourinement de pneus au loin. Jordan préférait cette heure-ci...quand elle oubliait sa chemise sur le sofa et que ses ongles craquaient une canette de bière fraiche. Le verre de lait, maintenant tiède, trainait près du micro-onde. On n'entendait que le cliquetis de l'horloge.
C'était l'heure où Jordan retrouvait Jordan, les yeux bousillés par l'écran, ricanant devant Gilmore Girls ou Friends, une part de pizza réchauffée embaumant la pièce de graisse et de tomate. Où elle retrouvait la jeune femme qu'elle avait délaissé sur le lit de l'hôpital, dans la chambre d'Hazel, anciennement celle de sa soeur et elle, dans la chambre mortuaire ("Yes, that's my sister."). Comme une seconde peau, la demoiselle s'infiltrait dans ses pores, rappelant à ses poumons l'appel du tabagisme et la pureté de l'air nocturne. Alors la brune attrapait un paquet, qu'elle posait sur le dessus d'une commode, et sa vieille veste en jean sur les épaules, puis sortait en griller une, son pouce roulant sur un feed Instagram rempli d'anciens camarades barroudant aux quatre coins du monde, d'autres entamant des doctorats ou mariages prometteurs.
Elle ne s'autorisait pas à fumer devant sa fille, encore moins dans la maison de ses parents, qu'ils lui laissèrent gracieusement malgré les problèmes d'argent et le petit pactole que ça aurait pu leur rapporter. La terre était bonne. Les fondations solides. Dans le compté, la propriété se serait arrachée comme des petits pains.
Mais les Mason demeuraient, de père en filles, de filles en soeurs, de filles en filles, comme un vieux chêne qu'on ne pouvait plus arracher.
Elle souffla et rentra dans sa voiture - allumant le chauffage et la radio par la même occasion, ses cernes trébuchant contre le reflet du miroir. Ses yeux s'envolèrent vers la fenêtre de la chambre d'Hazel. Une douce lumière orangée brillait tendrement, protectrice. She was her mother's daughter.
Et comme quelques nuits par mois, Jordan se permettait, enfin, de pleurer.